Black Devil Disco Club, le revenant (Interview)

Après être passé aux oubliettes pendant 28 ans, Bernard Fèvre (aka Black Devil Disco Club) est bien ressuscité grâce à Aphex Twin, qui a ressorti son premier album (1978) , sur son label, mais aussi grâce aux Chemical Brothers qui ont samplé un de ses morceaux (Earth Message tiré de l’album Cosmos 2043) pour leur morceau Got Glint, sorti en 1999.
65 ans, 3 albums sortis depuis 2006 ; il a récemment donné un concert au Temps Machine, nouvelle salle de musiques actuelles Tourangelle ouverte le 30 avril dernier à la programmation éclectique et dans le vent (voir ici ce qui s’y est déjà produit). Il y a enveloppé les chanceux qui étaient présents dans un univers tout à fait Morodorien* sans perdre son avant-gardisme.
Bref, il a fait du Temps Machine une boite de nuit néo 80’s!
Avant tout, et pour se mettre dans l’ambiance, voici son tube qui n’a malheureusement pas fait mouche à l’époque mais qui se révèle être une tuerie aujourd’hui!
C’est parti !
Comment créez vous votre musique aujourd’hui? Malgré le fait que je vous sente très « Mac » et instruments midi, avez vous encore un instrument fétiche d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ?
Je crée de la même façon qu’hier, en partant d’une ligne de basse, d’une suite harmonique, d’une simple mélodie ou d’un son. Tout ce qui peut donner au cerveau une idée musicale. J’ai toujours mon mini Korg 700 que je connais par coeur. Dès 1978 c’était mon outil de prédilection et il est toujours là même si j’ai fait quelques bidouilles dessus, mais ça c’est secret professionnel. 🙂
Autant de featurings , sur votre dernier album « Circus » (2011) c’était votre choix (Nancy Sinatra, Faris Badwan de « The Horrors » ; Claire Ewans de « Yacht », John Spencer, Nicolas Ker de « Poni Hoax », Africa Bambaataa…) ?
Oui, je voulais entendre mon anglais chanté par des artistes dont c’est la langue maternelle (mis à part Nicolas Ker et Nancy Fortune mais ils se débrouillent parfaitement en anglais). J’ai écrit les textes et ça m’amusait de les confier à d’autres, d’ouvrir mon club. J’ai donc pensé à des personnages, des looks, des voix, des styles et des âges.
J’espère toujours une société où les gens vont s’entendre malgré les différences de générations, c’est peut-être utopique mais sur Circus ça fonctionne. Je suis fier de faire une musique sur laquelle je peux poser des voix allant de Nancy Sinatra à Jon Spencer en passant par Africa Bambaataa ou Aja Emma (Cosmetics) sans que le résultat ressemble à un copié-collé vulgaire ne possédant pas d’âme. L’idée de faire du Black Devil mais d’emmener les chansons vers des sphères inconnues.
Comment avez vous vécu l’enregistrement avec toutes ces collaborations ?
Avec grande satisfaction, car le monde anglo-saxon de la musique est professionnel, même si il y a des personnalités fortes, elles ont toujours le soucis de travailler pour le but final et la réussite de la collaboration. Ce sont de vrais personnages qui ont le goût du travail bien fait. Nicolas Ker et Nancy Fortune savent aussi faire cela très bien.
Quel a été pour vous la meilleure et la pire expérience de concert pendant votre renouveau de carrière ?
Je n’ai pas pour l’instant de pire expérience, Il y a parfois des salles qui me programment un soir où peu de gens viennent à cause d’un match de foot, un jour férié… c’est plutôt rare mais ça peut arriver à n’importe qui. Autrement, j’apprécie réellement le succès que les gens me font dans le monde entier et l’accueil confortable et chaleureux que je reçois partout de la part de mes hôtes.
J’ai cru comprendre que vous n’étiez pas adepte des grosses tournées…?
Je dis toujours que mon aventure et ma réussite après 60 ans est un peu tardive, je ne peux pas assurer une réelle tournée comme un jeune groupe de rock, c’est trop fatiguant. Et je suis seul sur scène ce qui veut dire que je dois être concentré à 100%, tout repose sur moi. Il faut que cela reste un plaisir, je ne supporterais pas que les gigs deviennent une corvée.
Qui a eu l’idée pour votre T-shirt de scène ? À quel point vous occupez vous (ou s’occupe-t-on) de votre image maintenant que votre public a environ une trentaine d’années de moins que vous ?
Je suis responsable de toute mon image, dont le t-shirt: c’est un excellent élément pour capter l’attention du public. Avec son graphisme à tendance orange mécanique et sa capacité à évoluer avec les lumières qui sont projetées dessus il constitue un élément scénique à part entière. Mon fils qui a 17 ans possède le même et le public qui me rejoint depuis quelque temps a plutôt l’âge de mon fils, c’est à dire 48 ans (! ) de moins que moi… 🙂
Existe-t-il un ou plusieurs groupe(s) jouant à l’époque de sortie de votre premier album (1978), dont vous auriez un peu, voire très honte d’avouer être fan maintenant ?
Je n’ai pas un caractère de fan. À part Stevie Wonder et les Beatles dans les 60’s, rien ne m’a fait tomber par terre. J’ai dansé sur Diana Ross, Donna Summer (Love To Love You Baby) ou les Temptations voir même Patrick Hernandez : je n’ai honte de rien.
Et tant qu’à y être, quel a été votre dernier coup de coeur musical ces dernières années ? Avez-vous un morceau/artiste dont vous ne pouvez vous lasser (toutes époques confondues) ?
J’aime bien Air et Justice mais pas tout. Sinon le morceau qui me vient toujours en tête quand je cherche un air, c’est « Penny Lane » des Beatles.
(pour retrouver d’autres coups de coeurs de Bernard, un clic ICI )
Dernière confidence que je vous extorquerai: on m’a soufflé lors du concert au Temps Machine que vous étiez à la retraite depuis peu, et j’ai pu voir que vous aviez sorti un album par an depuis 2006.
Pas vraiment, après 28 After en 2006 il y a eu Eight oh Eight en 2008 (2 ans) et maintenant Circus en 2011 (3 ans). Je considère la retraite comme un mécénat d’Etat pour les artistes à réussite tardive, comme moi.
N.B.: pour ma défense, je me suis fié à cette discographie et avais oublié d’exclure les remix et ré-éditions).
Comptez vous consacrer ce temps exclusivement à la musique désormais; ou iriez-vous quand même à la pêche de temps en temps ?
Je vais essayer de rester près de la musique jusqu’en 2016 (j’aurai 70 ans). Si Dieu veut bien offrir du temps au Diable noir, alors je fêterais mes 10 ans de carrière, ensuite je ferais mes adieux, puis j’annoncerais mon retour, et puis… puis… puis… pendant tout ce temps je trouverai toujours le moyen d’aller à la pêche !
Un grand merci à Bernard Fèvre de m’avoir généreusement accordé cette interview.
>En savoir plus grâce à l’interview faite par Vice Magazine<
Pour ne pas finir sur votre faim, voici le clip de « To Ardent » en collabo avec Nancy Sinatra, tiré de son tout dernier album CIRCUS sorti en avril 2011.
(Visuel du double vinyl designée par Non Format)
Et pour le dessert, voici deux petites gourmandises :
Un excellent remix du morceau ci-dessus et deux autres titres ; tous téléchargeables gratuitement sur RCRD LBL !
En bonus pour les plus acharnés, une mix-tape disco spatiale d’un de ses admirateurs, j’ai nommé Andrew Weatherall.
* Giorgio Moroder : un des papes de l’Italo Disco, plus d’infos sur lui ICI.
** Gifs : en gros des images qui bougent sur internet. Pour plus de précisions, c’est LÀ.